quinta-feira, novembro 20, 2008

372) Violencia e mitos fundadores nas sociedades humanas

Um dos maiores especialistas em religião examina como se formam as sociedades humanas, entre mito e religião. Dele eu recomendo, particularmente, "La Violence et le Sacré", livro no qual ele trata, justamente, do bode expiatório e seu papel na constituição de uma sociedade religiosa.
PRA

Violence et mythes fondateurs des sociétés humaines
René Girard
LE MONDE, 20.11.08
20E FORUM "LE MONDE" - LE MANS

Ce n'est pas dans les Écritures, ni dans la théologie que s'enracine mon intérêt pour le christianisme. Cet intérêt, aussi étrange que cela puisse paraître, vient du darwinisme. Cette théorie évolutionniste suppose que la culture humaine a évolué depuis ce que nous appelons la "culture animale". Peut-on élaborer une genèse plausible de ce qui n'est pas animal dans notre propre culture - ce "supplément" qui fait de nous des hommes ?

Nous pouvons supposer que l'hominisation a commencé quand les rivalités mimétiques sont devenues si intenses que la relation de dominance animale s'est effondrée. L'humanité a survécu, sans doute, parce que les interdits religieux ont émergé assez tôt pour empêcher la nouvelle espèce de s'autodétruire.

Mais comment expliquer cette émergence ? Pour comprendre ce qui s'est passé, nos seuls indices sont les récits qui racontent la naissance des cultes auxquels ils appartiennent. On les appelle mythes fondateurs ou mythes des origines.

Ils commencent en général par le récit d'une crise destructrice. Dans le mythe d'Œdipe, c'est une peste, ailleurs un monstre cannibale. Derrière ces thèmes, se cache ce que Hobbes appelle "la guerre de tous contre tous" : des explosions de rivalité assez intenses pour détruire des communautés. La soif de vengeance se concentre sur un nombre de plus en plus restreint d'individus. A la fin, la communauté fait bloc contre un seul, celui que j'appelle le bouc émissaire. Le groupe se réconcilie autour de cette unique victime, à un coût qui semble miraculeusement bas.

Le problème que les penseurs rationalistes ont cherché en vain à résoudre à travers l'hypothèse du contrat social, celui de l'origine des sociétés humaines, se résout ainsi sans intention humaine, au moment où la "crise mimétique" est à son comble.

Le caractère inconscient du lynchage est admirablement illustré par la phrase de Jésus sur la Croix : "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font." Cette phrase doit être interprétée littéralement. Car si les mythes reconnaissaient les faits, l'innocence du bouc émissaire deviendrait visible, et la violence perdrait son efficacité cathartique. La vérité transparaît si l'on s'interroge sur les caractères récurrents des héros mythiques.

Nombre d'entre eux sont aveugles comme Tirésias, borgnes comme Wotan ou, de manière plus significative, désignés comme des "hommes venus d'ailleurs". Les communautés archaïques étaient sûrement assez distantes les unes des autres. Quand un étranger faisait son apparition, on se rassemblait autour de lui avec de grands espoirs. Le moindre geste inattendu de sa part pouvait déclencher une panique, et une mise à mort.

Comment les interdits religieux se mettent-ils en place ? Nous pouvons supposer que, dans les communautés archaïques, aussitôt que le lynchage cathartique avait mis fin à la crise mimétique, un nouveau dieu émergeait. Et chaque fois qu'un combat éclatait, les communautés, marquées par l'épreuve des rivalités passées, rendaient impossible tout contact entre les gens concernés. Chaque reprise des violences était interprétée comme l'expression de la colère du dieu et, par la grâce de son prestige, les interdits apparaissaient ; interdits qui, peu à peu, s'érigeaient en un système plus ou moins cohérent et définitif.

Avec le temps, la peur que ces interdits inspiraient s'est probablement amoindrie, et avec elle le pouvoir qu'ils avaient d'empêcher les transgressions. Face à ce danger, les communautés archaïques ont frénétiquement recherché une nouvelle protection contre leur propre violence. Comme elles n'avaient pas oublié la grande catharsis qui les avait sauvées d'une crise antérieure, elles ont dû se demander si une nouvelle catharsis ne pourrait pas être reproduite en rejouant le processus de la crise, lynchage compris. Nombre de rites sacrificiels commencent ainsi par des désordres provoqués, que les anthropologues ont justement définis comme des "crises simulées".

Deux choses suggèrent que la religion (interdits et rituels) est ainsi l'origine et l'essence de la culture humaine : on n'en trouve pas la moindre trace dans les cultures animales ; aucune culture humaine n'en est totalement dépourvue. Deux anciennes et puissantes religions, la religion grecque et la religion hindoue, développèrent une compréhension incomplète, mais profonde, des systèmes archaïques dans leur diversité comme dans leur unité fondamentale - systèmes qui renaissent régulièrement de leurs cendres, mais échouent à éliminer, une fois pour toutes, les rivalités mimétiques. N'est-ce pas un processus identique qui se joue dans les Evangiles, le même lynchage aboutissant à la même divinisation ?

C'est un fait que la plupart des chrétiens n'ont pas osé approfondir, craignant que l'aveu de ces évidentes ressemblances ne fasse s'écrouler l'édifice de leur foi. Ils ont eu tort, car une comparaison poussée entre les Evangiles et la mythologie tournerait à l'avantage du christianisme. Les mythes prennent le lynchage collectif très au sérieux. Ils pensent que les victimes ont vraiment commis les crimes dont on les accuse. Les Evangiles croient au contraire à l'innocence totale de Jésus et la proclament.

Tandis que, dans les mythes, les victimes sont censées avoir commis les crimes dont on les accuse, dans la tradition biblique et chrétienne ce verdict est souvent renversé. Nombre de récits de la Bible condamnent la foule et réhabilitent la victime. Quant aux psaumes, ils donnent des instantanés d'un lynchage : un narrateur horrifié observe une bande d'individus qui tente de l'encercler pour le tuer. Sa situation rappelle celle de nombreux prophètes qui, après avoir été idolâtrés par les foules, sont soudain devenus leurs victimes.

Là où les mythes archaïques se rangent aux côtés de la foule, et incitent leurs lecteurs à faire de même, les plus grands textes de la Bible inversent le procédé, et prennent parti pour les boucs émissaires, dans des situations qui, dans le monde païen, auraient conduit à l'élaboration d'un nouveau mythe. La Passion du Christ est une illustration décisive de ce renversement.

La Bible opère donc une rupture radicale par rapport à la mythologie, puisque dans l'Ancien Testament, et plus spectaculairement encore dans les Evangiles, la suprématie de la foule, qui remonte aux origines de l'humanité, est enfin renversée.

© Association Recherches mimétiques.

René Girard, anthropologue, est professeur émérite à l'université Stanford (Etats-Unis), membre de l'Académie française.

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