Tese apresentada em Paris:
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SOUTENANCE DE THESE
M. Jose de Jesus DA COSTA soutiendra sa thèse de Doctorat (Université de Paris IV Sorbonne) sur le sujet suivant :
Les discours politiques de Salazar (1928-1936) : de l’équilibre des comptes à la conversion des âmes
Vendredi 8 décembre 2006, 14 heures
A la Maison de la Recherche, Salle D116
28, rue Serpente 75006
En présence du Jury :
Mme BESSE (Paris 4)
M. Gomez (Paris 10)
M. PAGEAUX (PARIS 3)
Mme PIWNIK (PARIS 4)
Position de thèse :
Parmi les dictatures que l’Europe a connues dans la période d’entre-deux-guerres, le salazarisme figure en place ‘honorable’ sinon par sa spécificité tout au moins par sa longévité. Contemporain du bolchevisme, du fascisme et du nazisme, le salazarisme est à la fois proche de ces régimes dictatoriaux et s’en distingue par certains traits spécifiques. Ceux-ci sont souvent à l’origine de débats taxinomiques interminables et parfois stériles tant il est vrai que les contextes dans lesquels toutes ces dictatures se sont développées présentent des différences notables entre eux. Bien qu’un certain nombre de causes soient concomitantes dans l’émergence des dictatures en Europe, elles n’ont pas produit des réponses identiques partout et bien des pays européens n’ont pas succombé aux sirènes dictatoriales.
Le salazarisme, terme imprécis pour désigner la dictature qui a sévi au Portugal durant presque cinquante années du XXe siècle, comprend différentes étapes et des développements assez disparates. Après sa constitutionnalisation en 1933, le régime salazariste connaîtra bien des difficultés, à commencer par la Guerre Civile espagnole, mais aussi la Deuxième Guerre mondiale, la période de la guerre froide et, dans les années 1950-1960, les revendications d’indépendance et les guerres de libération des colonies portugaises. Malgré ces changements importants, le régime salazariste saura s’adapter aux nouvelles réalités et survivre même à son mentor principal jusqu’en 1974. Comment expliquer cette longévité ?
L’identité revendiquée par le salazarisme, qui l’éloigne tant des totalitarismes de gauche que de ceux de droite, est pour Salazar la marque d’un régime sui generis, c’est-à-dire éminemment national. Salazar, dans cette lignée, condamnera dans ses discours la déification de l’État et du Parti dans les régimes fascistes et trouvera le paganisme nazi inconciliable avec la morale chrétienne et le respect dû à la personne humaine. Formé au sein de l’Église et nourri par les principes idéologiques de la pensée européenne contre-révolutionnaire et par le catholicisme social des encycliques, Salazar se soucie, dès ses premiers articles dans la presse régionale, de la formation et de l’instruction des Portugais. Réformateur plus que révolutionnaire, il ne croit guère aux changements de gouvernement sans une profonde régénération intérieure de l’individu. Ce qui demeure de cet ensemble idéologique est la conviction qu’une vraie réforme politique du pays ne pourra avoir lieu en dehors de la morale religieuse et des enseignements de l’Église.
Les premiers discours officiels du nouveau ministre des Finances placent la période qu’il inaugure sous le signe du sacrifice d’une génération appelée à s’immoler sur l’autel d’une Patrie qui a retrouvé, après le coup d’État militaire de 1926, le fil perdu de son histoire ancienne, de ses héros légendaires, de ses saints et de sa mission divine, œcuménique et évangélisatrice. Son action politique, considérée comme ‘l’ascension douloureuse d’un calvaire’, était pour ce catholique convaincu un temps de régénération à l’issue duquel les Portugais, touchés par la grâce divine, devraient finalement réintégrer la ‘maison du Père’ dont ils s’étaient éloignés depuis le libéralisme de 1820. Cette ‘cure’ ou cet « aportuguesamento » (‘portuguisation’) des individus et des institutions se traduira par des exigences d’amour envers tout ce qui était portugais, un nationalisme quelque peu irréel lorsqu’on considère la traditionnelle dépendance économique du pays vis-à-vis de l’extérieur. Cette ‘thérapie’ est très proche du concept chrétien de conversion, c’est-à-dire le passage d’une vie de péché à une vie de grâce, l’abandon de l’état de perdition au profit d’une nouvelle vie créée et gouvernée par l’Esprit de Dieu. Le message véhiculé par les discours de Salazar ne fait que répéter inlassablement la nécessité pour les Portugais de réintégrer le nouveau royaume (la nation chrétienne et l’État nouveau) après une période d’exil (le parlementarisme), un message qui renvoie incontestablement à la parabole de l’Enfant prodigue, texte central du Nouveau Testament sur la conversion. La période sur laquelle nous travaillons, les années 1928-1936, n’est pas un choix arbitraire. Elle correspond à l’âge d’or de la biographie politique de Salazar qui coïncide avec son entrée aux Finances et qui s’achève en 1936, année où Salazar et l’Europe abordent une nouvelle époque.
Quatre grandes parties structurent notre travail :
1 - La première partie analyse l’environnement dans lequel la solution dictatoriale s’est imposée au Portugal. La participation du pays au premier conflit mondial, les crises politiques successives, l’inflation, etc., constituent la toile de fond où va se développer un discours virulent contre le régime parlementaire. Ce discours contre le régime des partis n’est pas nouveau mais, dans la conjoncture de l’époque, il prépare le terrain à l’émergence d’une réponse dictatoriale à la crise. En outre, en réduisant les problèmes économiques à la seule question de l’équilibre budgétaire, ce discours sur la crise restreint définitivement la discussion sur l’avenir du pays au seul secteur des Finances et, dans ces circonstances, l’arrivée de Salazar au ministère des Finances, en avril 1928, est considérée comme une réponse adéquate à la crise.
Le rétablissement de l’équilibre budgétaire rapidement entrepris par Salazar dans ce pays traditionnellement déficitaire est perçu comme un miracle, et la divinisation du ministre peut ainsi commencer. Entamée sous le signe du sacrifice, la régénération financière entreprise par Salazar est conçue comme une vaste ‘campagne de rachat’, c’est-à-dire une période d’expiation nécessaire à la réintégration du pays dans le fil interrompu de son histoire, après les déboires du libéralisme et de la République parlementaire.
Désormais, cette république christianisée en laquelle le pays s’est transformé peut fédérer autour d’une seule ecclesia tous les Portugais de bonne volonté. Fils de la même ‘église’ (le parti de l’Union nationale) réunis autour d’une même liturgie (l’évangile de l’État nouveau) le pays retrouve l’équilibre. Cette vaste manipulation des esprits est la première étape de la mise en œuvre de l’appareil étatique salazariste et de ses principales organisations d’encadrement des populations.
2 - La deuxième partie de notre travail explore les fondements des idées de Salazar telles qu’elles sont présentées dans ses discours officiels. Une rapide incursion dans la biographie de Salazar nous permet d’observer ses rapports avec la Ire République, sa formation universitaire et sa participation à des organisations catholiques tout en dégageant les traits principaux de son idéologie avant sa nomination aux Finances.
Dans un deuxième temps, nous présentons les idées principales de Salazar telles qu’elles apparaissent dans ses discours officiels. Cela nous permet de dégager la structure de ses allocutions, les arguments utilisés, d’analyser sa conception de la rhétorique, ainsi que le travail de la propagande autour de la ‘voix’ du chef.
3 - La troisième partie explore deux composantes du discours rhétorique : l’ethos et le pathos. En nous appuyant sur les images que Salazar donne de lui-même (son ethos) nous démontrons comment celles-ci répondent parfaitement aux attentes de l’auditoire ou plus exactement aux attentes que la propagande a su créer au sein de la population. L’ethos de l’homme du silence, de l’homme pauvre et modeste, du rural, etc., fait partie d’une construction fictive tendant à fabriquer l’image du héros positif et entraînant des adhésions inconditionnelles au chef de la révolution nationale. Néanmoins, et en dépit de la censure et de la répression, ces images positives sont souvent mises en branle par les oppositions, phénomène qu’on étudie aussi dans l’innombrable correspondance anonyme reçue par Salazar. En étudiant les images de l’autre dans les discours de Salazar, nous constatons que pour renforcer l’identité des points de vue entre l’orateur et l’auditoire celui-ci recourt à une vision manichéenne du monde afin de créer des irréductibilités et donc de simplifier la réalité. Cette démarche passionnelle conduit à des sentiments de crainte, d’espoir et de désespoir et donc à renforcer les liens (fictifs) entre l’orateur et l’auditoire.
4 - Enfin, la quatrième partie approche d’une façon globale les traditions et les luttes entre le pouvoir religieux et le pouvoir temporel et les relations ambiguës entre l’Église et le pouvoir politique dans le contexte de la rechristianisation du pays. Le discours de Salazar en se situant entre la raison et la foi, entre les désordres du monde et le dessein de Dieu, entre le politique et le religieux devient un formidable outil de conviction, et dans la perspective de la conversion, un instrument de salut.
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