segunda-feira, novembro 05, 2007

263) O putsch bolchevique de 1917 (1)

A revolucao bolchevique como um reles golpe de estado, na verdade um putsch.
Ela nunca deixou de se-lo, ainda que num contexto revolucionario.
Primeiro de uma serie de tres artigos...
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LA RÉVOLUTION BOLCHEVIQUE (1/3)
Un étrange coup d'Etat
LE MONDE, 05.11.07

Le tramway est presque vide. L'un des deux seuls passagers, un homme de petite taille à la chevelure poivre et sel, avec un bandage autour de la tête et une casquette, abreuve la conductrice de ses opinions sur la situation politique. Il est environ 23 heures, dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917 (du 24 au 25 octobre, selon le calendrier russe de l'époque), et le passager, c'est Lénine.

Le comité central du Parti bolchevik lui a demandé de rester dans la discrète maison d'un faubourg de Petrograd où il se cache depuis son tout récent retour de Finlande. Mais il ne supporte plus de rester loin de l'action : il est convaincu que le pouvoir est à portée de main, il veut déclencher le coup d'Etat. Il a donc remis sa perruque - il n'a toujours pas de barbe, depuis que Staline la lui a rasée, en juillet. Lui et son unique garde du corps, un bolchevik finlandais, sont abordés par une patrouille de la police gouvernementale, qui les prend pour des ivrognes et les laisse aller. Vers minuit, il arrive devant l'Institut Smolny, où siègent tous les partis révolutionnaires, et ne parvient à entrer que grâce à une bousculade : il n'a pas de laissez-passer.

A peine à l'intérieur, il se fait reconnaître et convoque immédiatement une réunion du comité central. Tous les ténors du parti sont là. En février, la révolution populaire avait éclaté spontanément, surprenant les bolcheviks "profondément endormis comme les vierges folles de l'Evangile", pour reprendre les mots de l'un d'entre eux. Lénine était à Zurich, Trotski à New York, Staline en Sibérie. Cette fois, ils sont à la manoeuvre. Mais pas d'accord entre eux. Depuis des mois, Kamenev répète qu'il serait irresponsable de tenter un coup d'Etat, alors que la situation n'est pas mûre et que la société n'est pas prête. Lénine, longtemps presque seul de son avis, affirme, lui, qu'il y a urgence à agir, et à agir par la force. Mais, cette fois, il n'a plus besoin de marteler ses arguments : le coup d'Etat, en fait, est déjà en marche.

Etrange coup d'Etat, en vérité. Une opération de ce genre est supposée prendre tout le monde par surprise : mais cela fait des jours, sinon des semaines, qu'à peu près tout le monde en parle. Kerenski, le chef du gouvernement issu de la révolution de Février, "prie" même pour qu'il ait lieu, persuadé que ce sera l'occasion d'écraser définitivement les bolcheviks. Qui eux-mêmes sont tout sauf discrets : Trotski explique aux soldats de la forteresse Pierre-et-Paul que "le gouvernement, impuissant, n'attend qu'un coup de balai de l'Histoire". "Oui, il y a une insurrection, déclare-t-il dès le 5 novembre à un militant socialiste-révolutionnaire, et les bolcheviks vont prendre le pouvoir."

Le journal de Gorki, Novaïa Jizn, a publié dès le 30 octobre une interview de Kamenev qui révèle le projet d'insurrection armée - bon moyen, selon lui, de le torpiller. Le 6 novembre, un autre journal, menchevik celui-là, présente même un plan de l'insurrection.

Dans la situation incontrôlable qui prévaut à Petrograd après l'échec du putsch du général Kornilov, la lutte pour le pouvoir est déjà largement engagée. Craignant d'être envoyées au front (les Allemands approchent de la capitale), les troupes n'obéissent plus aux ordres de l'état-major. Dès le 21 octobre, le Comité militaire révolutionnaire (CMR, qui émane en théorie du soviet de Petrograd, mais est en fait contrôlé par les bolcheviks) a affirmé son autorité sur les troupes qui sont stationnées dans la ville.

C'est au nom du CMR que Trotski a fait prendre des milliers de fusils dans les arsenaux. Encore au nom du CMR qu'il se rend à la forteresse Pierre-et-Paul, où il a naguère été incarcéré, et s'assure du soutien de la garnison. Toujours, théoriquement, pour "défendre" le soviet contre les menées de la "contre-révolution, qui a relevé sa tête criminelle", comme le proclament des affiches placardées le 6 novembre sur les murs de Petrograd. Le même jour, Dzerjinski, le futur chef de la Tcheka, le bras armé du pouvoir, s'empare du central téléphonique et télégraphique du gouvernement, puis de la poste centrale. Kerenski a bien essayé de réagir, de faire arrêter les dirigeants bolcheviks, mais ses ordres ont été interceptés. Il a donné consigne de lever les ponts sur la Neva, pour couper la ville et empêcher une progression des insurgés. Mais les bolcheviks ont obtenu qu'ils soient à nouveau abaissés. Le chef du gouvernement a même affirmé à l'ambassadeur de France, Joseph Noulens, que plusieurs divisions fidèles étaient en marche vers Petrograd, sans vraiment rassurer le diplomate, déjà habitué à ses rodomontades.

Les choses vont vite, mais pas assez au goût de Lénine, qui a une obsession : en finir avant la réunion du Congrès des soviets, prévue pour l'après-midi du 7 novembre. Il veut que les délégués soient mis devant le fait accompli, qu'on prenne le Palais d'hiver, siège du gouvernement, qu'on arrête les ministres. Lénine, "comme un lion en cage, criait, hurlait, était prêt à nous faire fusiller", rapportera un militant bolchevik. Dès la matinée du 25 octobre, il a lancé une proclamation "à tous les citoyens de Russie : le gouvernement provisoire est destitué", "le pouvoir est passé au Comité militaire révolutionnaire, qui est la tête du prolétariat et de la garnison de Petrograd". Le Rabotchi Pout, le journal dirigé par Staline, a déjà titré sur la victoire...

En réalité, rien n'est encore joué. Kerenski vient de quitter Petrograd pour aller chercher lui-même des troupes. Le gouvernement tient toujours, en dépit des ultimatums bolcheviks, mais il est faiblement protégé par quelques centaines d'élèves-officiers (les junkers) et un bataillon de femmes, et a été abandonné par les cosaques. Les 300 députés de la Douma (Parlement) municipale se sont même avancés en colonne, chacun armé d'un pain et d'un salami pour les défenseurs du Palais d'hiver. Ils ont été sommés de rebrousser chemin et ont obtempéré. Le ministre du ravitaillement, qui conduisait la colonne, a estimé qu'"il n'aurait pas été de (leur) dignité de se faire tuer dans la rue".

Les bolcheviks ont prévu que le signal de l'attaque contre le Palais d'hiver doit être donné par un fanal rouge hissé au mât de la forteresse Pierre-et-Paul. On perd un temps considérable à trouver un fanal. A 21 h 40, la lumière rouge s'allume enfin, immédiatement suivie, comme prévu, par une énorme détonation : un unique coup, à blanc, tiré depuis le croiseur Aurore, mouillé à proximité.

L'assaut qui suit immédiatement contre le Palais d'hiver appartient au mythe, véhiculé par Octobre, le film d'Eisenstein : un peuple en armes qui se rue contre l'ancien palais du tsar. En fait, l'affaire a été rapidement expédiée, et a impliqué un assez petit nombre de combattants. Le bataillon de femmes s'est rapidement rendu, et les junkers, beaucoup trop peu nombreux pour défendre l'immense bâtiment, ont vite été débordés. A 2 heures du matin, tout est terminé, les ministres du gouvernement se laissent emmener à la forteresse Pierre-et-Paul.

La plupart des habitants de la ville ne se sont rendu compte de rien. Les tramways ont continué de circuler, l'illustre Chaliapine a chanté Don Carlos à la Maison du peuple, et John Reed, le journaliste américain chantre des Dix jours qui ébranlèrent le monde, a dîné tranquillement à l'Hôtel de France, tout près de la place du Palais.

A l'Institut Smolny, l'ancien pensionnat pour jeunes filles de la noblesse où s'entassent les délégués écrasés de fatigue, dans une puissante odeur de tabac et d'urine, le Congrès des soviets a fini par s'ouvrir, à 22 heures passées. Les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, pour protester contre le coup de force, cette "aventure criminelle", quittent la salle sous les huées des bolcheviks. La place est libre pour la célèbre péroraison de Trotski, qui, selon John Reed, se lève, "le visage pâle, l'expression cruelle, et, avec une froideur méprisante", refuse tout compromis avec les autres partis révolutionnaires et les insulte : "Vous êtes de pauvres types, des faillis. Votre rôle est terminé. Allez là où est votre place, dans les poubelles de l'Histoire."

Le ton est donné. Quelques heures plus tard, le même congrès vote trois décrets rédigés par Lénine : l'un donne "tout le pouvoir aux soviets" (slogan purement tactique, le dirigeant bolchevik n'a que mépris pour ces "moulins à paroles"), l'autre proclame la volonté de mettre fin à la guerre, le troisième le principe de "la terre aux paysans".

A ce moment-là, le Palais d'hiver est tombé depuis longtemps, et une foule enthousiaste s'y presse : on a découvert les caves du palais, on s'abreuve de Château Yquem et de vodka. La beuverie dure plusieurs jours, et quand, pour y mettre fin, on fait vider le vin dans la rue, les passants se mettent à en boire dans les caniveaux. Dans Petrograd, les derniers points de résistance sont réduits. Claude Anet, un journaliste français, voit les gardes rouges prendre l'une après l'autre les écoles d'officiers. "Ils s'emparent des petits junkers blanc et rose, si propres, si soignés, enfants de bourgeois lavés et astiqués, qui apprennent encore l'art de la guerre, et les massacrent."

Kerenski, qui n'a rallié que de maigres troupes, est incapable de les faire avancer vers Petrograd. A Moscou, la résistance aux bolcheviks est beaucoup plus forte et sanglante, mais finalement aussi vaine. "Si le parti prend le pouvoir, nul ne pourra plus l'en chasser", écrivait Lénine en septembre 1917. Il avait tort, mais on ne le saura qu'au terme de soixante-quatorze années de régime soviétique.

Prochain article : la griffe de Lénine.
Jan Krauze
Article paru dans l'édition du 06.11.07

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